Le grand Pont ou Le Torrent

Hubert Robert

Paris, 1733 -1808

Huile sur toile
262 cm x 138 cm
MNR 830 et P.684
Dépôt du musée du Louvre, 1996
© Musée de Valence

Information

Ce grand tableau a très certainement fait partie d’un décor de place, aujourd’hui dispersé et non identifié.

Dans cette haute composition verticale, qui s’insérait peut-être au-dessus d’une boiserie entre deux fenêtres, jouant ainsi de l’illusion entre nature réelle et nature peinte, Hubert Robert abandonne les vestiges antiques pour ceux, plus français, d’un pont menant à une tour gothique munie de hourds et donnant accès à un château dont on n’aperçoit que le donjon au toit d’ardoises.

Il semble y réunir tout ce que Roger de Piles (1635-1709), dans son Cours de peinture par Principes, conseille aux artistes d’intégrer à un paysage, les rochers, l’eau, le pont, les figures, et enfin la fabrique, ici une tour gothique : « Les fabriques en général sont d’un grand ornement dans le paysage, quand même elles seraient gothiques, ou qu’elles paraîtraient inhabitées et à moitié ruinées : elles élèvent la pensée par l’usage auquel on s’imagine qu’elles ont été destinées, comme nous voyons ces anciennes tours qui semblent avoir servi d’habitation aux fées, et qui sont devenues la retraite des bergers et des hiboux. » Cependant Hubert Robert donne la première place à deux de ses motifs de prédilection, le pont et la cascade, en opposant immuabilité de la pierre, ici murs et rochers, et mouvement sans cesse renouvelé de l’eau, ici torrent et rivière.

Verticalité d’une composition où éléments et architectures, en se succédant, semblent se métamorphoser et se confondre. Ainsi, la terre devient eau, l’eau rocher, le rocher mur ou frondaison.

Seuls les bleus, les roses et blancs des nuées et de la cascade apportent à la scène la lumière qui permet de créer, entre les deux tabliers du pont, l’arche de clarté verticale qui fait le lien entre air, terre et eau.

Effets de contre-jour d’une grande diagonale qui renvoie la lumière d’une surface à l’autre, noyant dans la pénombre la plupart des éléments naturels et mettant en relief les architectures humaines du pont et de la tour. Le point de vue en contrebas, entre biais et frontalité, associé aux jeux de la lumière, produit un mouvement en spirale qui vient accentuer la monumentalité du pont, la fougue du torrent et la masse écrasante des falaises rocheuses entaillées par le pont.

Mais ici pas d’effet dramatique ou sublime, pas de sentiment de solitude, plutôt un monde harmonieux où l’homme a toute sa place : charrette de foin rentrant des prés, jeunes femmes rieuses observant la nudité des deux baigneurs, chien à l’affût des canards apportent le pittoresque qu’aime Hubert Robert.

La matière même de la peinture, tout en subtilité et transparence, le coloris dans des tonalités sourdes, les dégradés de couleurs, la technique enlevée viennent encore accentuer la légèreté du monde représenté.


Hubert Robert, Le Grand Pont ou Le Torrent © Musée de Valence

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