La Charrette abritée

Julien-Victor Veyrenc, dans l’annotation portée sur la marge inférieure de la monture de cette sanguine, l’a titrée Caprice, et c’est bien ce qu’il faut voir dans ce dessin, un pur Capriccio qui associe, en toute fantaisie, plusieurs des motifs chers à l’artiste, que l’on retrouve dispersés dans nombre de ses oeuvres.

C’est sans doute dans la campagne française des bords de la Seine ou de l’Oise que l’on peut situer cette scène que Jean de Cayeux a datée de l’année 1772 par analogie avec la précédente. L’arbre, comme souvent dans les paysages d’Hubert Robert, occupe une place importante, encadrant ici de son feuillage exubérant une aimable image de vie campagnarde et champêtre : brouette, petite meule de foin, panier renversé, charrette abritée sous un auvent rustique de paille et de bois.

La jeune lavandière revenant de la rivière, accompagnée ici encore d’une fillette, est aussi l’un des motifs familiers à l’artiste emprunté à Boucher. En 1968, Marguerite Beau avait rapproché ce dessin de La Pourvoyeuse de Boucher, gravée par Varin. La jeune femme, aux basques de laquelle s’accroche la fillette, fait ici s’envoler un oiseau à l’aide d’une fine baguette, donnant ainsi vie à une scène au demeurant un peu figée

Le caractère du dessin réside dans le jeu d’opposition entre la présence très marquée de l’arbre et la clarté des autres éléments. Arbre au feuillage déployé sur une grande partie de la feuille dont les contours mouvants savamment étudiés, les feuillages en fins et rapides zigzags sont tracés dans une matière dense et contrastée. Arbre qui n’est pas sans rappeler celui de La Fuite de Galatée. Au contraire, charrette, auvent, brouette, paille dessinés en quelques traits droits ou à peine courbés, ciel et sol à peine esquissés en légères hachures laissent au blanc et à la clartédu papier tout son éclat.